AZUR ET ASMAR de MICHEL OCELOT (2006)

Publié le 7 Juillet 2010

ATTENTION, RISQUE DE SPOILERS !

AZUR ET ASMAR

Film français, belge, espagnol, italien

Date de sortie: 25 octobre 2006

Genre: Animation  Durée: 1h34  Tous publics

Conseil personnel: Pour toute la famille.

Disponible en DVD et Blu-Ray - Couleur

Il y a bien longtemps, deux enfants étaient bercés par la même femme. Azur, blond aux yeux bleus, fils du châtelain, et Asmar, brun aux yeux noirs, fils de la nourrice. Élevés comme deux frères, les enfants sont séparés brutalement. Mais Azur, marqué par la légende de la Fée des Djinns que lui racontait sa nourrice, n'aura de cesse de la retrouver, au-delà des mers. Les deux frères de lait devenus grands partent chacun à la recherche de la Fée. Rivalisant d'audace, ils iront à la découverte de terres magiques, recelant autant de dangers que de merveilles...

  

LA CHRONIQUE DE KLEINHASE:

Petit enfant deviendra grand, il franchira les océans... il sauvera la Fée des Djinns et tous les deux seront heureux, seront heureux... et tous les deux seront heureux, seront heureux... C'est presque, pourrait-on dire, par ces mots (qui une fois mis en musique forment une berceuse des plus envoûtantes, au doux parfum d'Orient) que débute l'histoire d'Azur et Asmar. L'histoire de deux garçons qui s'aimaient comme des frères mais qui vont apprendre, malgré eux, que la vie est pleine d'obstacles et de barrières, et qu'il est parfois nécessaire de se séparer pour mieux se retrouver. C'est à Michel Ocelot, auteur de l'inoubliable << Kirikou et la sorcière >> (1998), que l'on doit ce magnifique Azur et Asmar, présenté au Festival de Cannes en 2006, dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs; et sorti sur nos écrans en octobre de cette même année.

Après l'Afrique de Kirikou et la sorcière, le cinéaste français nous transportait ici au pays des Mille et Une Nuits, à travers un récit fantastique digne d'Aladdin. Dans l'Europe médiévale, il était une fois Azur, blond aux yeux bleus, fils du châtelain, et Asmar, brun aux yeux noirs, fils de la nourrice, qui les élevait comme des frères, dans un pays vert et fleuri. La vie les sépare brutalement. Mais Azur n'oublie pas les compagnons de son enfance ni les histoires de fées de sa nourrice, au pays du soleil. Devenu grand, il rejoint le pays de ses rêves, à la recherche de la Fée des Djinns. Il y retrouve Asmar, lui aussi déterminé à trouver et gagner la Fée, bravant pour cela tous les dangers et les sortilèges d'un univers de merveilles.

D'une trame de départ plutôt classique (mais qui réserve cependant bien des surprises au spectateur), Michel Ocelot tire une œuvre enchanteresse, à mi-chemin entre le conte de fées et la fable initiatique. S'appuyant sur un scénario en béton, beaucoup plus cousu qu'il n'en a l'air, il réussit à brasser - en seulement 90 minutes, et tout ça sous la forme d'un dessin animé, ce qui n'est pas forcément évident - quelques-uns des thèmes qui lui sont chers.

Des thèmes à la portée universelle et intemporelle, puisque Azur et Asmar parle - avec intelligence et poésie - d'amour, de tolérance, de partage, d'amitié, de paix, de fraternité entre les peuples. Mais le moteur principal de l'histoire d'Azur et Asmar est, par dessus tout, la différence. La différence sous tous ses angles et sous toutes ses variétés: différences physiques, différences culturelles, différences de caractères, différences d'âges, différences d'origines, différences de religions, différences de langues. Azur et Asmar est un film sur la différence, et plus que tout, il est un hymne - vibrant - à la différence. Nos différences, aussi multiples et aussi importantes soient-elles, ne sont pas des obstacles, bien au contraire; elles constituent une force permettant que chaque personne devienne un être unique, à part entière, avec ses qualités comme ses défauts. Azur et Asmar illustre admirablement cela, par l'entremise d'un scénario puissant et passionnant, regorgeant d'idées et de trouvailles tout à fait audacieuses, surtout pour un dessin animé.

On saluera par exemple le choix judicieux (et foutrement culotté, il faut bien le dire !) de Michel Ocelot, qui a volontairement décidé de ne pas sous-titrer en français les passages en arabes de son film. Comme il l'explique très bien dans le petit portrait qui lui est consacré sur le DVD d'Azur et Asmar (voir les bonus), cela permet au spectateur de mieux comprendre ce que ressent le personnage principal, Azur, perdu dans un pays qu'il ne connaît pas, face à une langue qu'il ne comprend pas (ou de manière très vague, en tout cas); et ainsi, de s'identifier plus facilement à lui.

On ne se plaindra donc pas de ce choix (qui ne doit pas rebuter, même si il peut légèrement effrayer), d'autant plus que le DVD permet, si on le souhaite, de voir le film dans ses deux versions; c'est à dire dans sa VO non sous-titrée ou, à l'inverse, dans une version exclusive comportant des sous-titres français pour tous les passages en langue arabe. Et puisque nous en sommes rendus à la symbolique de l'œuvre, arrêtons-nous un instant sur ce titre quelque peu évocateur, Azur et Asmar, déjà très symbolique en lui-même; azur signifiant bleu en français et asmar signifiant brun en arabe; comme aime à le raconter Michel Ocelot dans le petit portrait qui lui est dédié sur le DVD du film (superbe portrait au passage, riche en anecdotes et en secrets sur la naissance et l'élaboration d'Azur et Asmar).

Utilisant pour la première fois la technique de l'animation 3D, par images de synthèse (Kirikou et la sorcière était fait sur le mode de l'animation traditionnelle), le réalisateur livre un long-métrage qui, sur le plan purement visuel, est d'une beauté proprement renversante et sidérante. Personnages, décors, couleurs, finesse des traits et des détails: rien n'a été laissé au hasard et l'animation rime ici avec perfection, atteignant une quintessence rarissime en terme de splendeur et de grandeur artistiques (même les dessins Disney, à côté, paraissent bien fades).

Alors certes, au début, le spectateur peut se sentir un peu dépaysé face à ces personnages que l'on croirait directement sortis des Sims, mais une fois que l'histoire démarre pour de bon et que le film trouve peu à peu son rythme, on s'y habitue et on ne peut à ce moment-là admettre qu'une seule chose; c'est que jamais encore des personnages de dessin animé n'avaient été aussi beaux (et quand je dis beaux, je ne parle pas uniquement de la beauté du dessin en lui-même ou de l'aspect physique des différents protagonistes; mais également de leur beauté intérieure), et surtout, n'avaient semblé aussi réalistes (on a presque l'impression, par moments, de se retrouver face à de véritables acteurs en chair et en os, ce qui est absolument troublant et fascinant !). C'est sans doute ce qui constitue la plus grande réussite d'Azur et Asmar, en même temps que le coup de maître total de Michel Ocelot: l'animation s'efface lentement, et on en oublie que tout ça n'est que du dessin (et quel dessin !).

Comme je le disais plus haut, l'histoire peut - au premier abord - paraître très classique, pour ne pas dire complètement banale. Pourtant, elle se révèle beaucoup plus approfondie qu'elle ne veut bien le montrer au début, et ménage d'étonnantes surprises; que ce soit au niveau des rebondissements (assez imprévisibles dans l'ensemble), ou au niveau des personnages (certains d'entre eux sont tout à fait surprenants, à l'image de Crapoux, de la princesse Chamsous Sabah, ou encore du Lion écarlate aux griffes bleues).

Mais la vraie surprise d'Azur et Asmar réside dans sa fin. Une fin à la fois inattendue et sublime, à la fois grandiose et féerique, à la fois touchante et lumineuse; pleine d'optimisme, de fraîcheur et de gaieté. Une fin qui a le mérite de surprendre agréablement le spectateur dans la mesure où elle évite brillamment l'écueil de l'émotion facile afin d'offrir au récit davantage de complexité, d'intemporalité, d'universalité. Une fin majestueuse, en forme d'apothéose pour un film décidément bien plus surprenant qu'on l'aurait cru. Bref, une fin qui a du sens mais surtout, de l'audace. Beaucoup d'audace.

Côté doublage, il est globalement excellent (bien que les voix des deux protagonistes principaux, Azur et Asmar, respectivement interprétées par Cyril Mourali et Karim M'Riba, manquent peut-être parfois d'un peu de naturel et de conviction). On gardera surtout en mémoire les jolies prestations vocales d'Hiam Abbass (alias Jenane) et de Patrick Timsit (alias Crapoux), lequel semble avoir pris beaucoup de plaisir à doubler cet hilarant personnage. Un plaisir naturellement partagé par le spectateur.

Délicieusement orientale dans ses notes et dans ses instruments, la musique composée par Gabriel Yared baigne le long-métrage de Michel Ocelot dans une atmosphère onirique, dans laquelle on aimerait parfois pouvoir s'abandonner indéfiniment. Si Azur et Asmar est d'abord un régal pour les yeux, il est aussi un régal pour les oreilles, grâce à cette bande originale envoûtante et ensorcelante comme les premières notes d'une comptine enfantine. Régal pour les oreilles aussi grâce aux deux langues (française et arabe) parlées dans le film et qui se mêlent en parfaite unisson, nous faisant ainsi vivre un dépaysement auditif des plus réjouissants.

Avant de conclure, j'aimerais juste en profiter pour faire un petit coup de pub et vous informer que, si vous avez aimé Azur et Asmar et si vous aimez le travail de Michel Ocelot, alors vous devriez aussi aimer le superbe DVD récemment paru aux éditions France Télévisions, Les trésors cachés de Michel Ocelot, réunissant pour la première fois quelques-uns des - nombreux ! - courts-métrages (l'un d'entre eux fait d'ailleurs suite à Azur et Asmar) réalisés par le cinéaste français lorsqu'il n'était pas encore connu. Au total, pas loin de trois heures de courts-métrages, le tout agrémenté de passionnants bonus (présentés par Ocelot lui-même) mettant en lumière le formidable travail de cet artiste pour le moins atypique, retraçant ainsi la genèse atypique d'une œuvre... atypique.

  

EN GUISE DE CONCLUSION:

Avec Azur et Asmar, Michel Ocelot prouve que le cinéma français d'animation a de beaux jours devant lui et n'a strictement rien à envier à nos amis américains. Pour petits et grands, un bijou à ne pas manquer.

K.H.

Nominations et récompenses obtenues, le détail complet > ICI



Rédigé par kleinhase

Publié dans #CINÉMA, #FILMS D'ANIMATION, #FILMS DES ANNÉES 2000, #En détail

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L
azur et asmarj'adore azur et asmar merci MICHEL OCELOT
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L
Tout concourt à la beauté de ce film d'animation. D'abord la belle histoire évidemment, mais la finesse des dessins avec ses couleurs fantastiques qui valent largement ce qui se fait ailleurs chez certains grands producteurs...On se laisse entraîner dans l'histoire sans s'en rendre compte car tout est douceur et poésie grâce justement au style "couleur-dessin" C'est du grand art ! En quelques mots: Poésie, douceur, beauté, enchantement...et d'autres encore.
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