LA FILLE DU PUISATIER de DANIEL AUTEUIL (2011)
Publié le 28 Mai 2011
Fille aînée d'un puisatier, Patricia s'éprend d'un aviateur. Lorsque la guerre éclate, celui-ci part au front, ignorant que Patricia attend un enfant de lui. Repoussée par les parents du jeune homme, Patricia sera en outre rejetée par son propre père, lequel devra alors apprendre à faire la part des choses entre question d'honneur et d'amour.
Fin des années 1930, en Provence. Pascal Amoretti creuse des puits dans la campagne provençale. Il est veuf et père de six filles, qu'il élève dignement. Il aimerait marier l'aînée, Patricia, à son ouvrier, le brave Felipe Rambert; mais la jolie demoiselle rencontre un jour le beau Jacques Mazel, officier dans l'aviation, et se laisse séduire par ce fils de riches commerçants. Malheureusement, peu après, la Seconde Guerre Mondiale éclate et le jeune homme est rappelé d'urgence pour des manuvres en Afrique. Découvrant qu'elle est enceinte, Patricia est rejetée par son père et se croit alors abandonnée...
Avis:
C'est toujours un plaisir que de se replonger dans l'univers à la fois tendre et pittoresque de Marcel Pagnol, toujours un plaisir que de parcourir ses chaudes collines provençales illuminées par le soleil et bercées par le doux chant des cigales et des grillons, toujours un plaisir que de retrouver ses personnages au caractère bien trempé et à l'accent du Sud bien prononcé ("avé l'accent" !); ces personnages ordinaires dont les histoires extraordinaires sont un peu les nôtres, histoires d'un quotidien fait de grandes joies et de petits chagrins, histoires de la vie, tout simplement. Écrivain hors pair, cinéaste d'exception, dialoguiste subtil jouant avec les mots (et les maux...); Marcel Pagnol aura donné au cinéma français ses lettres de noblesse, lui offrant quelques-uns de ses plus grands chefs-d'uvre: MARIUS, FANNY, CÉSAR, bien sûr; mais aussi LE SCHPOUNTZ, REGAIN, LA FEMME DU BOULANGER; ou encore, un peu tombé dans l'oubli aujourd'hui (et c'est fort regrettable...), LA FILLE DU PUISATIER, qui date de 1940. Rare film français à avoir été tourné en pleine Occupation, LA FILLE DU PUISATIER célébrait les retrouvailles de Pagnol avec son acteur fétiche, Raimu, tout en réunissant également - pour la première et dernière fois, hélas - un trio de chic et de choc: Pagnol et Raimu, donc, mais aussi... Fernandel, dans le rôle de Felipe, le brave ouvrier et ami du puisatier Pascal Amoretti (Raimu); amoureux de Patricia (Josette Day), la fille de ce dernier et qui, malheureusement pour notre pauvre Felipe, est éprise d'un autre: Jacques Mazel (Georges Grey), aviateur et fils du riche Mr Mazel (Fernand Charpin) et de sa femme, Mme Mazel (Line Noro). De cet amour naîtra un enfant non désiré. Alors que, pendant ce temps, la guerre éclate et Patricia se retrouve seule, repoussée par son père et par les parents de Jacques, lequel est parti au front et ignore tout... De cette trame scénaristique classique et sans surprise, Pagnol - metteur en scène touché par la grâce (!) - avait tiré un long-métrage exceptionnel, dans la droite lignée de ses films précédents, tour à tour drôle et poignant, aux répliques inoubliables et à l'interprétation magistrale; prouvant et démontrant une nouvelle fois au public que les histoires les plus simples sont peut-être les plus belles et les plus fortes (émotionnellement parlant), justement parce que leur simplicité apparente n'a d'égale que leur authenticité (et leur valeur...) permanente; trouvant matière à puiser dans des réflexions vitales, à la portée universelle et intemporelle. Près de soixante-dix ans plus tard, passant pour la première fois derrière la caméra, l'acteur Daniel Auteuil s'approprie l'univers de Pagnol pour signer sa propre version de LA FILLE DU PUISATIER. Ce qui, entre nous, n'a rien de surprenant; quand on sait que c'est justement à travers l'univers du célèbre écrivain-cinéaste qu'Auteuil s'est fait connaître du grand public, en tenant le rôle d'Ugolin dans le diptyque JEAN DE FLORETTE/MANON DES SOURCES réalisé par Claude Berri en 1986 et inspiré de l'uvre éponyme de Pagnol; et qui vaudra à Auteuil de décrocher un César du meilleur acteur. Vingt-cinq ans après cette consécration mémorable, cette nouvelle version de LA FILLE DU PUISATIER résonne donc comme un retour aux sources pour le comédien, considéré depuis comme une valeur sûre du cinéma français. Pour ceux qui, comme moi, ont vu le film original de Pagnol, on ne pourra que s'incliner en constatant la fidélité et le respect d'Auteuil envers son modèle; Auteuil proposant ici une sage adaptation, qui reprend presque mot pour mot les dialogues du long-métrage initial et se contente d'en copier/coller les scènes clés. Aucune surprise donc de ce côté-là, l'histoire n'a pas changé (et en même temps, c'est tant mieux !). Ce qui a en revanche changé, c'est l'apparition de la couleur (le noir & blanc du film initial possédait un certain charme, même si la couleur - judicieusement utilisée, au passage - met merveilleusement en valeur la beauté des paysages provençaux), la mise en scène (plutôt prometteuse pour un réalisateur débutant, et ce malgré quelques maladresses de-ci de-là), et, naturellement, l'interprétation (de qualité assez inégale dans l'ensemble, il faut bien l'avouer). Sans crainte de se frotter au jeu - inévitable - de la comparaison, Daniel Auteuil reprend le rôle du puisatier jadis tenu par Raimu, rôle qui semble lui tenir particulièrement à cur et qu'il défend, ma foi, avec tout le talent qu'on lui connaît (se montrant tantôt dur, tendre, drôle ou émouvant); même si il est loin d'égaler son illustre aïeul. Succédant, de son côté, à Fernandel, Kad Merad compose un attachant Felipe, à l'accent du Sud certes pas toujours très crédible, mais attachant. Toute en grâce et en sensibilité retenue, la lumineuse Astrid Bergès-Frisbey prête ses traits à Patricia, la (trop !...) jolie fille du puisatier qui fera tourner la tête du beau Nicolas Duvauchelle, alias Jacques Mazel, l'aviateur un brin volage. Tous deux forment un magnifique couple, même si l'on pourra regretter le petit manque de naturel qui émane parfois du jeu d'Astrid Bergès-Frisbey, et même si l'on pourra reprocher à Nicolas Duvauchelle d'être quelque peu froid et distant dans sa manière de jouer; donnant l'impression fâcheuse de réciter son texte plutôt que de le vivre. Si il ne peut nous faire oublier Fernand Charpin (inimitable Mr Mazel), Jean-Pierre Darroussin s'en tire cependant avec les honneurs, livrant une composition simple, certes, mais plutôt juste. On ne pourra en revanche pas dire la même chose du jeu - littéralement insupportable - de Sabine Azéma (alias Mme Mazel). Surjouant à l'extrême, elle se révèle vite particulièrement agaçante et apparaît finalement comme la seule véritable erreur de casting dans une distribution par ailleurs tout à fait honnête, ce qui est somme toute assez regrettable, dans la mesure où son personnage - bien que secondaire - joue néanmoins un rôle crucial dans le déroulement de l'intrigue. Point de vue réalisation, comme je l'ai déjà noté plus haut, la mise en scène tient globalement bien la route et se révèle plutôt prometteuse pour un cinéaste en herbe; bien qu'elle ne soit pas toujours exempte de quelques faiblesses et maladresses, et bien qu'elle manque un tantinet de vie - et semble donc un peu fade - comparée à la réalisation de Pagnol. La photographie est, quant à elle, superbe, et les décors naturels retranscrivent parfaitement la beauté et le charme de la Provence. Enfin, la musique d'Alexandre Desplat touche par sa simplicité et sa délicatesse. En résumé, sans être un film parfait, cette relecture de LA FILLE DU PUISATIER a au moins le mérite de remettre au goût du jour Pagnol et son uvre; et émeut de par la sincérité évidente avec laquelle son metteur en scène et acteur principal la revisite; lequel semble d'ailleurs avoir trouvé en Pagnol une jolie source d'inspiration, puisqu'il envisage de réadapter prochainement - toujours pour le grand écran - la mythique Trilogie Marseillaise. Comme le dit, à un moment donné, le personnage de Pascal Amoretti en parlant de sa fille: "C'est comme un trésor que le Bon Dieu m'a donné". Et bien, pour paraphraser le brave homme, et en guise de conclusion; je dirai que Pagnol, ses films, son uvre, c'est aussi "comme un trésor que le Bon Dieu nous a donné", comme un cadeau que le cinéma nous a offert et continue de nous offrir; un cadeau que l'on déballe avec toujours le même plaisir et la même émotion. Et pour ça, merci, monsieur Auteuil, de nous le rappeler.
POUR ALLER PLUS LOIN... QUELQUES LIENS UTILES:
- À PROPOS DU FILM ORIGINAL DE MARCEL PAGNOL -
Chronique complète du film sur mon ancien blog
Une analyse détaillée de l'uvre, de son contexte historique et de son DVD par l'excellent site DVDClassik
Fiche du film sur Wikipédia
Fiche du film sur le site officiel de Marcel Pagnol, avec photos et extrait vidéo à l'appui
- À PROPOS DU FILM DE DANIEL AUTEUIL -
Site officiel du film
Fiche du film sur Wikipédia
Fiche du film sur le site officiel de Marcel Pagnol
Secrets et anecdotes de tournage sur la fiche Allociné du film
L'interview vidéo de Daniel Auteuil par Allociné
L'interview vidéo d'Astrid Bergès-Frisbey par Allociné
- Sans oublier, bien sûr, la bande-annonce officielle qui vous est présentée ci-dessous -