IL ÉTAIT UNE FOIS... BOURVIL

Publié le 30 Septembre 2010

Voici 40 ans, le 23 septembre 1970, Bourvil tirait sa révérence, à l'âge de seulement 53 ans. C'est l'occasion idéale pour rendre un petit hommage à cet immense artiste trop tôt disparu, qui fut longtemps abonné aux rôles de simplets naïfs et maladroits (à l'instar de Fernandel, son idole et modèle... Bourvil, au début de sa carrière, se fera d'ailleurs appeler Andrel, en clin d'œil à celui qu'il admirait tant et qui devait plus tard lui donner la réplique dans une fameuse CUISINE AU BEURRE...), avant que son véritable talent d'acteur dramatique n'éclate au grand jour et ne le propulse définitivement dans la cour des grands. Portrait d'un comédien attachant au rire tendre, qui savait mieux que personne manier l'humour et l'émotion, et pouvait, en un instant, faire passer le spectateur du rire aux larmes et des larmes au rire.

 Avec Jean Gabin dans La Traversée de Paris (1956)

Né le 27 juillet 1917 à Prétot-Vicquemare, en Seine-Maritime, Bourvil (de son vrai nom André Robert Raimbourg) ne connaîtra jamais son père, tué durant la Grande Guerre. Il passe néanmoins une enfance heureuse auprès de sa mère et du nouveau mari de celle-ci, dans le village de Bourville, en Haute-Normandie, qui lui inspira plus tard son célèbre pseudonyme. À l'école, Bourvil est bon élève, et ses parents espèrent qu'il sera professeur. Mais le garçon montre très tôt un vif intérêt pour le monde du spectacle, et rêve déjà, à 13 ans, de devenir une vedette. D'abord apprenti dans une boulangerie, il s'achète un accordéon avec ses économies et court les fêtes de villages pour se faire la main. En 1937, il s'engage dans l'armée pour deux ans de service militaire et devient cornettiste dans la fanfare du 24e régiment d'infanterie, à Paris. C'est durant cette période que Bourvil va peaufiner son personnage de Français moyen, un peu benêt sur les bords, mais toujours d'une générosité et d'une honnêteté extrêmes.

 Avec Pierrette Bruno dans Le Capitan (1960)

Une fois son service militaire achevé, Bourvil est résolu à tenter sa chance. Avec son épouse (qui lui donnera deux fils), il s'installe à Vincennes dans un minuscule appartement, et essaye de débuter une carrière musicale, en commençant par se produire dans des radio-crochets. Il enchaîne ensuite avec des numéros de comique-paysan, avant que la chanson Les Crayons ne le lance véritablement au music-hall, en 1945, et lui offre également la chance de faire ses premiers pas de comédien, dans des films alors très mineurs (comme POISSON D'AVRIL, par exemple) mais qui lui permettent néanmoins de se faire remarquer et de côtoyer de futures stars; à l'image de Brigitte Bardot, qui lui donne la réplique dans LE TROU NORMAND.

 Avec Peter Lawford dans Le jour le plus long (1962)

Mais Bourvil devra attendre 11 ans et LA TRAVERSÉE DE PARIS de Claude Autant-Lara, en 1956, qui le met en scène aux côtés de Jean Gabin (qu'il retrouvera d'ailleurs deux ans plus tard pour LES MISÉRABLES, sous la houlette du réalisateur Jean-Paul Le Chanois, et avec notamment Bernard Blier), pour enfin accéder au rang de vedette absolue et être à son tour considéré comme une valeur sûre du cinéma français. Grâce à La Traversée de Paris et à son rôle de brave chauffeur de taxi au chômage qui, sous l'Occupation, traverse toute la capitale en compagnie d'un artiste peintre (Gabin) fort en gueule et en caractère, avec un chargement de viande destinée au marché noir; Bourvil remporte la coupe Volpi (le prix d'interprétation masculine) à la Mostra de Venise et voit, dès lors, sa carrière cinématographique s'envoler.

 Avec Fernandel dans La cuisine au beurre (1963)

Les réalisateurs se l'arrachent. André Hunebelle, Alex Joffé, Jean-Pierre Mocky, Gérard Oury, Robert Enrico, Jean-Pierre Melville; tout le monde veut tourner avec celui que l'on surnomme, à juste titre, un acteur de la gentillesse. Bourvil partage l'affiche avec les monstres sacrés de l'époque (Jean Marais, Michèle Morgan, Francis Blanche, Louis de Funès, Lino Ventura, Alain Delon...), dans des films tels que LE BOSSU, LE CAPITAN, FORTUNAT, UN DRÔLE DE PAROISSIEN, LE CORNIAUD, LA GRANDE VADROUILLE ou encore LES GRANDES GUEULES. En 1962, il fait même partie du casting poids lourd de la superproduction historique hollywoodienne LE JOUR LE PLUS LONG, dans laquelle il fait face à des stars internationales comme John Wayne, Robert Mitchum, Henry Fonda ou Sean Connery. Chacune de ses apparitions au cinéma est un événement, et certains de ses films, comme Le Corniaud (11,7 millions d'entrées en 1964) et La Grande Vadrouille (17,2 millions d'entrées en 1966), explosent le box-office.

 Avec Jean-Paul Belmondo dans Le Cerveau (1968)

Tout bascule en 1967. Cette année-là, Bourvil découvre qu'il est atteint d'une forme de cancer qui s'attaque à la moelle osseuse. L'artiste ne s'avoue pas vaincu pour autant et continue d'enchaîner les longs-métrages, dissimulant comme il peut le terrible mal qui le ronge secrètement jour après jour. En 1968, il retrouve pour la troisième et dernière fois consécutive le réalisateur Gérard Oury, qui le dirige dans LE CERVEAU, une comédie inspirée de faits réels et où il a pour partenaires Jean-Paul Belmondo, David Niven et Eli Wallach. L'année suivante, il tient le second rôle de L'ARBRE DE NOËL, un mélodrame signé Terence Young, avec William Holden en tête d'affiche; tandis que la maladie, inexorablement, gagne du terrain et l'affaiblit davantage à mesure que le temps passe. De plus en plus souffrant, le comédien réussit péniblement à finir les tournages de ceux qui seront ses deux derniers films: LE MUR DE L'ATLANTIQUE et LE CERCLE ROUGE, sortis en salles à seulement quelques jours d'intervalle. Bourvil décède peu après, laissant le monde du cinéma orphelin et en deuil.

ARRÊT SUR IMAGES:

Avec Brigitte Bardot dans Le trou normand (1952)

Avec Michèle Morgan dans Fortunat (1960)

Avec Lino Ventura dans Les Grandes Gueules (1965)

Avec Louis de Funès dans La Grande Vadrouille (1966)

Dans Le Cercle Rouge (1970)

Si je l'ai beaucoup aimé dans ses comédies (Le Corniaud et La Grande Vadrouille, notamment) et dans ses drames (Fortunat et Le Cercle Rouge, plus particulièrement), c'est peut-être pourtant dans le film Les Misérables - où il endosse un rôle totalement à contre-emploi, puisqu'il prête ses traits au personnage plutôt antipathique et odieux de Thénardier - que Bourvil m'a, à ce jour, le plus impressionnée (et encore, je n'ai pas vu toute sa filmographie !). En aubergiste cupide et volontiers escroc sur les bords, Bourvil s'essaye brillamment à un registre tout à fait inattendu et littéralement imprévisible, interprétant pour l'une des rares (peut-être bien la seule, d'ailleurs) fois de sa carrière un rôle de méchant, et ceci avec beaucoup d'excellence et d'aisance. Un rôle qui lui donne en outre l'occasion de montrer une autre facette - méconnue et oubliée, et c'est fort dommage - de son immense talent. Artiste aux multiples visages: c'est sans doute le terme qui convient le mieux pour définir qui était Bourvil.

Ci-dessous découvrez une vidéo-hommage extraite de la pièce* de théâtre LA BONNE PLANQUE (1964), dans laquelle Bourvil, donnant la réplique aux acteurs Pierrette Bruno, Robert Rollis et Albert Michel; se trouve (bien malgré lui !) victime d'un fou rire téléphonique mémorable.

*NB: l'intégralité de cette pièce de théâtre - LA BONNE PLANQUE, donc - est accessible et disponible à tous dans le commerce, sous forme de DVD et de VHS. Plus d'infos ICI ou ICI. À lire également, sur mon ancien blog: une chronique détaillée de LA BONNE PLANQUE.

Site de fans

Nominations et récompenses obtenues, le détail complet > ICI

IL L'A DIT:

<< Le monde est rempli de Bourvil. Ma chance, c'est qu'ils croient que je suis le seul... >>



Rédigé par kleinhase

Publié dans #ENTRÉE DES ARTISTES

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C
AH, Bourvil l'homme-artiste.....<br /> D'abord chanteur-amuseur, un peu poète, puis chanteur, amuseur, ensuite acteur, comédien et aussi musicien.... L'homme simple et généreux a beaucoup fait rire mais il a aussi su émouvoir parfois jusqu'aux larmes. Son style, sa voix et sa démarche ont fait le bonheur des imitateurs mais tout le reste est resté sa propriété inimitable.
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T
Bourvil, the quiet man !Ce qui me restera de Bourvil, c'est son extraordinaire duo comique avec De Funès, dans la Grande Vadrouille mais aussi son rôle, plus tragique, dans Les Grandes Gueules, un long-métrage qui m'avait beaucoup marqué.
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