L'ÉCHANGE de CLINT EASTWOOD (2008)
Publié le 9 Décembre 2008
L'Échange (Changeling) (2008)
Film américain | Drame, thriller, policier, biopic | 2h21 | Tous publics avec avertissement
Los Angeles, 1928. Un matin, Christine Collins, jeune mère célibataire, dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, celui-ci a disparu. Une recherche effrénée s'ensuit, et quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Christine le ramène chez elle, mais au plus profond d'elle-même, elle sait qu'il n'est pas son fils. Elle va alors essayer - par tous les moyens - de convaincre les autorités de reprendre et continuer les recherches. Mais à qui faire confiance dans cette ville où règnent la corruption et le sexisme, et dans laquelle il est hors de question (surtout pour une femme) de remettre en cause le système judiciaire ?...
❤ Découverte coup de cœur ❤
Quand Clint Eastwood passe derrière la caméra (aussi bien lorsqu'il est devant, d'ailleurs), on sait - d'emblée - que l'on peut s'attendre à du lourd, voire à du très lourd. Il nous le prouve une fois encore avec L'Échange. Malsain, dérangeant, révoltant, oppressant, parfois même choquant - certaines scènes frôlent l'insoutenable, âmes sensibles s'abstenir : le nouveau long-métrage de l'acteur-réalisateur américain est tout cela à la fois.
Mais c'est aussi dans ce côté traumatisant et coup de poing que réside toute la puissance dramatique de cette œuvre. L'Échange, c'est d'abord et essentiellement l'histoire d'un combat, l'histoire d'un amour, l'amour d'une mère qui - pour retrouver son fils disparu - va devoir affronter une justice corrompue et inhumaine ; une justice qui n'hésite pas à tuer et à emprisonner des innocents lorsque quelqu'un ose se dresser contre elle et ose pointer du doigt ses faiblesses. Où est la justice dans tout ça ? C'est justement la question que l'on se pose - parmi d'autres - après avoir vu ce film.
L'Échange fait partie de ces films qui vous mettent littéralement K.O. et il est bien difficile de rester indifférent face à un sujet aussi fort et aussi captivant. Il convient d'ailleurs de souligner que ce film s'inspire d'un fait divers incroyable et pourtant véridique, survenu en Amérique à la fin des années 1920 [plus d'infos à ce sujet ICI]. À titre personnel, L'Échange m'a profondément secouée et m'a - pardonnez-moi l'expression ! - remué les tripes. D'ailleurs, je mentirai en affirmant que je n'ai détourné la tête à aucun moment. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Clint Eastwood frappe encore très fort et nous assène ici une nouvelle gifle cinématographique mémorable !
Visage marqué, teint blafard, yeux tuméfiés et cernés exprimant autant le désarroi maternel que féminin face à la misogynie ambiante de l'époque : Angelina Jolie, absolument époustouflante, trouve enfin un rôle à la hauteur de son talent et force est de constater que c'est une véritable révélation.
Criante de vérité et de sensibilité, elle ne se contente pas uniquement d'interpréter son superbe rôle de mère-courage, mais le vit avec une rare intensité et une profondeur inouïe. Nul doute que sa prestation restera gravée dans les mémoires. Et pour longtemps. Mais les seconds rôles ne sont pas en reste et ont également la part belle, dont notamment John Malkovich (pour ne citer que lui), impeccable sous les traits d'un révérend contestataire.
À travers ce scénario sordide et beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, Clint Eastwood s'intéresse à nouveau aux défaillances du système judiciaire et dresse un portrait peu flatteur de l'Amérique des années 1920.
Période noire et effrayante de l'Histoire des États-Unis, au cours de laquelle « corruption » était bien souvent le maître mot ; et où les femmes, considérées comme des êtres inférieurs et stupides par une bonne partie de leurs pairs masculins (sexisme et étroitesse d'esprit, bonjour...), avaient juste le droit de - excusez-moi pour le gros mot ! - fermer leur gueule ; sous peine d'être jetées dans un asile psychiatrique pour y être - soi-disant... - soignées. Les personnes qui entraient à l'asile avec toute leur tête en ressortaient, fréquemment, complètement cinglées... Autant dire que L'Échange vous glace le sang et vous hante immédiatement. On notera la qualité de la mise en scène, sobre, mais très réaliste ; le soin méticuleux apporté aux décors et à la photographie ; ainsi que la sublime musique.
Poignant et particulièrement éprouvant, L'Échange est un nouveau très grand cru du maître Eastwood, et probablement l'un des films les plus aboutis de cette année 2008. À ne surtout pas manquer.