INTO THE WILD de SEAN PENN (2007)

Publié le 25 Septembre 2009

Into the Wild (2007)

Film américain | Aventures, drame, biopic | 2h28 | Tous publics

Synopsis :

Christopher McCandless a 22 ans, de brillants diplômes et un avenir qui semble déjà tout tracé. Le jeune homme a pourtant bien d'autres routes dans le sang. Animé par une soif d'absolu et de liberté sans limite, il plaque tout du jour au lendemain pour partir à l'aventure. Des champs de blé du Dakota aux flots déchaînés du Colorado, en passant par les déserts de Californie, Christopher croisera des hommes et des femmes qui vont façonner sa vision de la vie. Au bout du voyage, le choc avec la Nature brute : l'Alaska...

Chronique et avis [spoilers possibles] :
❤ Découverte coup de cœur ❤

C'est ce que j'appelle se prendre (pardonnez-moi d'avance l'expression qui, je le conçois, n'est pas très jolie !) une putain de claque dans la gueule. Balancé ainsi, je sais bien que le terme peut paraître honteusement grossier (d'ailleurs, je m'excuse sincèrement si je vous ai choqué, ce n'était nullement mon objectif !), mais afin de définir d'emblée ce que j'ai ressenti face à Into the Wild - qui est un film à l'état brut - il me fallait donc, logiquement, une phrase à l'état brut.

Si l'on me demandait de résumer Into the Wild en seulement deux mots, je dirais que ce fut pour moi un film coup de cœœur en même temps qu'un film coup de poing. Coup de cœœur parce que je raffole de ce genre de récit à but initiatique et philosophique, et parce qu'ensuite, j'apprécie les films qui mettent en valeur la beauté du monde qui nous entoure ; qu'il s'agisse du monde sauvage, animal ou social. Coup de poing parce qu'il y a bien longtemps qu'un film ne m'avait pas autant secouée, remuée, touchée.

Mais attention ! Quand je dis « toucher », je l'entends de deux manières. Parce qu'il existe selon moi deux manières d'être touché(e) par un film : la manière « douce » et la manière « forte ». La manière « douce », c'est lorsqu'un film m'émeut et m'arrache éventuellement de discrètes larmes, sans pour autant m'empêcher de maîtriser mon émotion. La dernière fois qu'un film m'a touchée de manière « douce », c'était en août dernier, avec Là-haut des studios Pixar, dont le début empreint de nostalgie m'aura humidifié les yeux durant l'espace de quelques secondes. La manière « forte », c'est lorsqu'un film m'émeut tellement que j'éclate - malgré moi ! - en sanglots, et dans une situation pareille, je crois que je serais capable de verser toutes les larmes de mon corps (!). La dernière fois qu'un film m'a touchée de manière « forte », c'était... pffiou, je ne m'en souviens même plus. Au hasard, je dirais donc que c'était avec Les Lumières de la Ville, du maître Charles Chaplin.

Car oui, sans vouloir passer pour une dure à cuire, je dois dire que je pleure vraiment très rarement devant un film. Non pas que je sois indifférente au spectacle qui se déroule sur l'écran, bien au contraire, mais disons plutôt que j'arrive généralement à dominer ma sensibilité.

Sauf face à Into the Wild, devant lequel je n'ai rien dominé du tout (ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, mais en vain !), et qui m'aura donc touchée de manière (très !...) « forte ». La nuit qui a suivi, je n'ai d'ailleurs pas pu dormir pendant près d'une heure (ce qui, là aussi, ne m'était pas arrivé depuis un bon bout de temps...). Tandis que je me tortillais dans tous les sens dans mon lit et me retournais encore et encore dans l'espoir de retrouver le sommeil (j'ai fini par le retrouver, au passage !), les images se bousculaient dans mon esprit : inconsciemment, je repensais à Into the Wild, à ce film qui a continué à me bouleverser et à me faire pleurer à chaudes larmes plus de dix minutes après que le générique de fin soit passé. Et maintenant que je rédige ces lignes (d'ailleurs, cela vaut-il vraiment la peine de commenter ce film sur lequel tout - ou presque tout ! - a déjà été dit ?...), les poils se hérissent sur mes bras, les frissons me parcourent l'échine et Into the Wild défile à nouveau dans ma tête. Comme si, finalement, l'émotion qui m'a envahie il y a près de deux semaines, lorsque je l'ai découvert pour la première fois, m'habitait encore et était toujours enfouie au plus profond de ma chair, sans que je ne m'en rende compte.

Réalisé par Sean Penn en 2007, Into the Wild (titre pouvant littéralement se traduire par « En pleine nature ») est en fait l'adaptation cinématographique de « Voyage au bout de la solitude », un livre écrit par Jon Krakauer en 1996 et qui relate l'histoire vraie de Christopher McCandless ; un brillant étudiant qui quitta ses proches et sa maison en 1990, pour partir à l'aventure (« Être libre, ce n'est pas seulement ne rien posséder, c'est n'être possédé par rien », se dit-on à la vue de ce fait divers incroyable et pourtant véridique).

Ce voyage - lourd de sens - s'achèvera en Alaska, en 1992, dans des circonstances on ne peut plus tragiques ; puisque Christopher McCandless fut retrouvé mort par des chasseurs, dans le bus abandonné où il avait élu domicile depuis quatre mois, après s'être intoxiqué en mangeant des plantes non-comestibles.

Ironie d'autant plus cruelle (et injuste, quelque part) du drame, cette Nature sauvage où il avait voulu s'enfoncer à tout prix l'aura finalement tué... preuve que l'Homme n'est décidément rien du tout face à l'Univers, rien d'autre qu'un passeur qui cherche depuis la nuit des temps à devenir le maître du monde ; mais oublie toujours qu'une infinie puissance règne au-dessus de lui, une puissance insoupçonnable face à laquelle même le plus riche et le plus fort des hommes ne peut rien. Car nous, mortels, ne sommes qu'ombres et poussières, pour reprendre une célèbre réplique issue d'un non moins célèbre autre film (Gladiator, pour ne pas le nommer...). De la poussière l'Homme est né, à la poussière l'Homme retournera... et si la Nature peut apparaître pendant un temps plus ou moins éphémère comme une consolatrice idéale, elle se révèle bien souvent dangereuse et oppressante ; incompréhensible et capricieuse.

De gauche à droite : Emile Hirsch et Sean Penn sur le tournage.

Nul doute en tout cas qu'en signant Into the Wild, Sean Penn a concrétisé un projet cinématographique qui lui était très cher : il lui aura fallu en effet dix ans de négociation pour que la famille de Christopher McCandless accepte que ce film voit le jour. Le moins que l'on puisse dire après visionnage est que le résultat final est certainement à la hauteur de son ambition - voire surpasse aussi toutes les attentes que le spectateur était légitimement en droit de nourrir à l'égard d'un tel projet.

Beau sans être tape-à-l'œœil, poignant sans être larmoyant, lent sans être long ; Into the Wild dégage une pureté et une émotion exceptionnelles, dont l'authenticité est pour le moins saisissante.

Entièrement tourné en décors naturels, dans les lieux mêmes que son protagoniste principal a traversé, Into the Wild est l'un de ces rares films ayant la valeur de classique instantané ; de chef-d'œœuvre immédiat. Traité sur un mode narratif qui alterne habilement flash-back et retours dans le présent, le scénario est très fidèle à l'histoire originale dont il s'inspire, Sean Penn étant allé jusqu'à reproduire à l'identique le bus où Christopher McCandless a vécu les ultimes mois de sa courte et singulière existence.

Si Leonardo DiCaprio fut initialement pressenti, c'est finalement le jeune et prometteur Emile Hirsch qui hérite du rôle de Christopher McCandless.

Charismatique tout en restant on ne peut plus sobre, il s'impose sans conteste comme une révélation à surveiller de très près et nous livre une prestation éblouissante, pleine de retenue et de sensibilité - il faut d'ailleurs savoir que le comédien s'est beaucoup investi durant ce tournage, perdant près de 20 kilos pour le besoin des scènes finales. Pour l'entourer, Sean Penn a su sélectionner une pléiade d'excellents seconds rôles et retrouve notamment Marcia Gay Harden (à qui il avait donné la réplique dans Mystic River, en 2003) et qui interprète ici - avec beaucoup de délicatesse - la mère du héros (ou du anti-héros devrais-je dire, car Christopher reste un être humain tout au long de son voyage, un être humain avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses, ses joies et ses peines) ; tandis que William Hurt incarne avec conviction son père et Jena Malone, sa sœœur, la seule personne qui paraissait réellement le comprendre et avec laquelle il entretenait une relation très proche et très complice.

N'oublions pas non plus de saluer les jolies performances de Brian Dierker et de Catherine Keener (le couple de hippies qui se déchire) ; de Hal Holbrook, tout à fait attachant en ancien militaire rongé par la solitude ; de Vince Vaughn, sympathique en patron un peu truand sur les bords ; ou encore de Kristen Stewart, l'héroïne de la saga Twilight, ici lumineuse en jeune chanteuse hippie qui s'éprend de Christopher. La somptuosité des grands espaces naturels associée à une musique aux notes parfois très mystiques évoquant encore davantage la liberté de corps et d'esprit recherchée par Christopher ne font, quant à elles, que renforcer la magie si particulière et si forte qui imprègne l'intégralité du récit d'Into the Wild.

Si les spectateurs moyens que nous sommes ont souvent une fâcheuse tendance à considérer le cinéma avant tout comme un banal moyen de divertissement et de passe-temps, Sean Penn le réhabilite à travers ce long-métrage en nous rappelant ce qu'il est vraiment ; à savoir un formidable vecteur de découvertes, de surprises et d'interrogations.

Mais surtout, il nous rappelle que le cinéma est un Art (le Septième du nom) universel et parfaitement unique en son genre, qui se met ici au service d'une ode flamboyante à l'Homme, à la Nature et à la Vie ; à la liberté et à la grandeur ; à la beauté et aux vertus de la solitude, du partage et du vivre-ensemble ; à l'absolu et à la vérité ; à l'acceptation lucide et sereine de l'inéluctable et du fatum ; à la foi (oui, il est à mes yeux aussi question de foi dans Into the Wild : foi en Dieu ; foi en son prochain ; foi en l'avenir ; foi en un éden autant terrestre qu'autre que celui parfois tant recherché ici-bas - ou que l'on croit parfois faussement trouver ici-bas). Une ode qui renoue aussi magistralement que magnifiquement avec la vieille tradition des fresques hollywoodiennes dans lesquelles le romanesque et le grand spectacle côtoient régulièrement une pertinente réflexion sur la valeur inestimable de l'Existence (ce qui me rappelle cette célèbre citation que l'on attribue à André Malraux : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie »), et sur la place de l'être humain sur Terre.

Tel Christopher McCandless à la fin de ce film (une fin d'une splendeur extraordinaire, malgré sa noirceur poignante, dévastatrice et littéralement hors norme) ; tel Christopher McCandless au bout de son périple et de sa quête de soi (et des autres...) ; Sean Penn semble avoir été touché par la grâce et a atteint là ce qu'on pourrait modestement appeler l'illumination de la perfection cinématographique - bien que la perfection - la perfection absolue, j'entends - n'a jamais existé, n'existe toujours pas et n'existera certainement jamais (!).

Bon, je crois avoir plus ou moins fait le tour de Into the Wild, aussi vais-je tâcher d'entamer là un début de pré-conclusion, car j'ai les yeux qui commencent sérieusement à me picoter... ce doit être l'émotion, je suppose.

Pardonnez-moi si j'ai été un peu longue dans mon développement (très longue, même...), je n'ai pas l'habitude d'aller aussi loin dans les détails, mais toute la palette de sentiments que j'ai éprouvé par l'entremise de ce long-métrage était vraiment spéciale (pour ne pas dire rare) ; je me devais en conséquence d'aborder comme il se doit cette œœuvre qui se vit autant qu'elle se contemple, et qui fait sans nul doute partie de celles appelées à marquer durablement l'histoire du cinéma. J'espère simplement - et je le dis en toute humilité - que cette chronique vous aura peut-être permis de porter un regard encore différent et encore nouveau sur ce film qui se redécouvre à chaque visionnage. Et à mon tour, je serai sincèrement enchantée de connaître votre avis personnel, votre vision des choses et le souvenir que vous en gardez (qu'il soit bon ou mauvais !). Car Into the Wild est un film qu'il est particulièrement intéressant de partager avec d'autres (c'est également une énième de ses richesses), afin de l'apprécier encore et encore sous un angle neuf, à travers les yeux de quelqu'un d'autre.

En guise de conclusion :

Pour entamer maintenant ce qui sera ma véritable conclusion - puisqu'il faut tout de même bien conclure à un moment donné !... - à cette chronique, je dirai qu'il est des films aussi passionnés que passionnants et aussi inspirés qu'inspirants ; des films dont la dimension humaine et philosophique vibrante transporte peu à peu vers un Ailleurs, à mesure qu'elle transcende en profondeur l'âme et les tripes de qui les regarde ; des films traversés d'une puissance émotionnelle telle, mais surtout d'un souffle vital tel (nonobstant la fraction plus ou moins élevée de funeste qu'ils renferment parfois en eux, comme c'est ici le cas), qu'on en sort le cœur aussi ravagé que galvanisé, et dès lors avide de profiter au maximum du moindre instant de bonheur qui daigne s'offrir à nous.

Into the Wild, je pense que vous l'aurez définitivement compris de vous-même à la lecture de ce texte, appartient incontestablement à mon sens à cette catégorie de films ; lui qui, d'ores et déjà, s'inscrit en très bonne place au sein de mon panthéon cinématographique, ainsi que parmi mes films de chevet. Merci, monsieur Sean Penn, mille fois merci, mais surtout BRAVO ; mille fois bravo. Du cinéma de cette ampleur et de cette qualité, on en redemande plus souvent ; tout du moins, j'en redemande pour ma part plus souvent !

Nominations et récompenses obtenues, le détail complet  ICI
Fiche AlloCiné ICI
Ma note pour ce film :

 

Rédigé par Kleinhase

Publié dans #CINÉMA, #FILMS, #FILMS DES ANNÉES 2000, #En détail

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A
Comme toi, ce film fut à la fois un coup de coeur et un coup de poing, magnifique de bout en bout et admirablement interprété. La fin est bouleversante dans sa sobriété. Une oeuvre inspirée et inspirante.
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P
Venant de lire la critique de ce film et le commentaire qui suit, je ne peux qu'abonder dans le sens de ce qui est écrit. C'est l'un des rares films peut-être le premier ,ou enfin, on voit une histoire (fait réel) qui est une véritable découverte dans ce que l'homme a de plus merveilleux, de plus pur, la possibilité de de chercher ce qu'il est en se dépouillant de tout.Ce voyage initiatique qui doit lui permettre de se retrouver est admirablement filmé. Pureté des paysages, pureté des sentiments, pureté des émotions, pureté des personnages rencontrés tous marqués par les duretés de la vie, mais qui cachent tous une grande sensibilité. La fin est absolument magnifique qui allie le goût retrouvé de la vie à la mort, provoquée par cette nature tant recherchée pour l'aider.<br /> Ce n'est pas un film c'est un véritable chef d'oeuvre.
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K
Très étonnant que personne n'est encore laissé un commentaire sur ce film absolument fabuleux...aussi je me dévoue pour te féliciter de cet article passionné, au même titre que le film, dont la passion et la sincérité transpirent à chaque plan. Puisque tu es venue lire mon article, sur lequel tu as d'ailleurs laissé un très beau commentaire, je sais que nous sommes sur la même longueur d'onde concernant ce superbe film.<br /> Pour ma part, je suis resté dans mon fauteuil, les yeux équarquillés, presque la bouche ouverte, pendant un bon 1/4 heure, et j'ai écrit mon article dans la foulée pour ne pas perdre l'émotion qui se dégageait de ce film...l'émotion mais aussi la force du propos. Un voyage initiatique hors du commun dont très peu de cinéastes ont la chance de tourner dans une vie. <br /> Un classique immédiat et incontournable, probablement le meilleur film 2008, dont Sean Penn aura bien du mal à renouveler l'exploit, tant celui-ci allie la beauté visuelle, force de l'histoire, la portée philosophique teintée d'une sombre et injuste ironie finalement, tout ce qui fait de ce film une oeuvre particulière, différente, puissante, terrible, libératrice aussi.<br /> J'en ai aussi des frissons lorsque j'en parle à des amis, ou quand, comme ici je laisse un commentaire. <br /> Les images affluent, les sensations refont surface, et malgré le côté sombre d'une fin aussi belle que tragique, on ne peut qu'être touché par tant de grâce visuelle.<br /> Un film qui fera assurément date dans l'histoire de cet art qui retrouve ici, toutes ses lettres de noblesse.<br /> Encore bravo pour ton article, passionné, d'où sa longueur...car avec un tel film on ne peut décidément pas en parler avec deux ou trois mots. Un coup de poing au coeur...Etre sonné par un tel uppercut, j'en redemande, et pas qu'une fois. Loin d'être maso, on a là un vrai film de cinéma...à la fois beau, puissant, intelligent, qui allie émotion et une réflexion profonde sur nos existences.<br /> Du grand art.
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