ATTENTION, RISQUE DE SPOILERS !
ROBIN DES BOIS (Robin Hood)
Film britannique, américain
Date de sortie: 12 mai 2010
Genre: Aventures Durée: 2h20 Tous publics
Conseil personnel: Pour adolescents et adultes.
Couleur
Site officiel
À l'aube du XIIIe siècle. Après avoir vu périr le roi Richard Cur de Lion sur le champ de bataille en Normandie, Robin Longstride, humble archer, regagne l'Angleterre avec trois compagnons. En chemin, ils volent au secours de l'escorte qui rapporte la couronne, victime d'une embuscade. Un chevalier à l'agonie confie à Robin le soin de donner son épée à son père, sire Walter Loxley, un seigneur des environs de Nottingham. Arrivé à Londres, Robin remet la couronne à la reine, qui en coiffe le peu reluisant prince Jean, frère cadet de Richard Cur de Lion...

LA CHRONIQUE DE KLEINHASE:
Robin des Bois. Un nom. Une vie. Un homme. Une destinée. Un justicier. Une aventure. Un héros. Une épopée. Un mythe. Une histoire de légende elle-même devenue légendaire. À lui tout seul, le simple sobriquet de Robin des Bois évoque un individu mystérieux et brave, à la fois rebelle et charismatique, en lutte contre l'injustice et la tyrannie, et qui vole aux riches pour donner aux pauvres. L'archétype même du défenseur de la veuve et de l'orphelin, bourreau des curs par excellence et véritable modèle pour les enfants (quel môme, en jouant, n'a jamais tenté d'imiter ou de ressembler à Robin des Bois ?...). Ce personnage (a-t-il seulement existé, au juste ?... Nul ne le sait, et ne le saura probablement jamais...) illustre à merveille tout ce dont le 7e Art - et le spectateur !... - raffole depuis la nuit des temps... ou presque (!): héroïsme à toute épreuve, bagarres, félonie, sens de l'honneur et de la droiture, complots en tous genres et autres guets-apens, romance interdite.
Pour preuve, voici près de 100 ans, depuis une toute première version remontant à 1912, que le brigand de Sherwood est devenu un héros plus ou moins récurrent du grand écran. Entre Allan Dwan (<< Robin des Bois >>, 1922), Michael Curtiz (<< Les aventures de Robin des Bois >>, 1938), Richard Lester (<< La rose et la flèche >>, 1976), ou plus actuellement encore Kevin Reynolds (<< Robin des Bois prince des voleurs >>, 1991 - lire ma récente chronique), nombreux sont les réalisateurs à avoir déjà livré leur propre vision du personnage, dans des adaptations plus ou moins différentes; et tout aussi nombreux sont les acteurs qui ont prêté leurs traits au célèbre hors-la-loi, de Douglas Fairbanks à Kevin Costner, en passant par Errol Flynn et Sean Connery; pour ne citer que les plus connus.
Aussi n'est-il pas étonnant, aujourd'hui, qu'un metteur en scène de l'envergure de Ridley Scott, habitué et spécialiste des fresques à grand spectacle (on lui doit << Gladiator >> et << Kingdom of Heaven >>, entre autres), se penche à son tour sur ce mythe universel et intemporel. Mais comment s'approprier et comment, surtout, personnaliser à sa sauce l'énième relecture d'un récit vieux comme le monde, déjà visité d'innombrables fois au cinéma et, qui plus est, sur toutes les formes et sur tous les tons ?... Le défi s'annonce vite de taille, et le risque de se planter apparaît encore plus immense.
Pour commencer, il semble tout d'abord nécessaire - pour ne pas dire inévitable - de donner un gros coup de jeune à une histoire archi-connue qui, si elle n'a pas pris la moindre ride, sent quand même le déjà-vu, il faut bien l'avouer. C'est alors que Ridley Scott trouve une idée proprement lumineuse et particulièrement alléchante: pourquoi ne pas imaginer de quelle manière Robin est devenu LE Robin des Bois que tout le monde connaît aujourd'hui ?... Pourquoi ne pas imaginer comment la légende de Robin des Bois est-elle née et comment, par la suite, s'est-elle propagée ?... Tout simplement ?... Il n'empêche que le projet n'en reste pas moins ambitieux et périlleux, d'autant plus que ce Robin des Bois version 2010, projeté en ouverture du dernier Festival de Cannes, restera longtemps dans les cartons avant de voir enfin le jour, au prix d'un tournage véritablement... drastique. Mais le tournage en lui-même ne fut pas la seule difficulté rencontrée par Ridley Scott. Ô que non.
Longtemps, bien longtemps avant que le tournage de ce film (initialement intitulé Nottingham) ne débute, c'est le scénario qui pose problème. Remanié à plusieurs reprises, il passera entre différentes mains avant d'arriver à sa version définitive, fruit du travail de Brian Helgeland, Ethan Reiff et Cyrus Voris.
La grève des scénaristes, en 2008, retardera aussi considérablement l'écriture et la fixation du scénario et, par conséquent, la mise en chantier du film. Une fois les problèmes de scénario réglés, il reste encore à définir les lieux de tournage, ainsi que le choix des différents acteurs. Et là aussi, le casting subira de multiples changements avant d'être totalement (et définitivement) établi. Bref, un tournage épique, à l'image du personnage de Robin. Est-ce pour toutes ces raisons, qui perturbèrent sérieusement son lancement, que le long-métrage de Ridley Scott n'est pas aussi abouti qu'on aurait pu l'espérer et fait plutôt figure de demi-réussite, pour ne pas dire demi-échec ?...
Mais parlons d'abord du casting, justement, et de l'interprétation. Pour sa cinquième collaboration avec Ridley Scott, l'inégalable Russell Crowe (qui est aussi l'un des producteurs de ce film, au passage) incarne un Robin des Bois ténébreux et plus viril que jamais, bien que l'acteur m'ait paru un peu fatigué par moments (il faut dire que le tournage, sur le plan physique, n'aura pas été de tout repos pour la star).
Cate Blanchett, toujours aussi radieuse, incarne une lady Marianne très éloignée de la représentation qui nous est habituellement servie à l'écran: loin d'être une écervelée romantique en attente de son prince charmant-vaillant-sauveur (!), SA lady Marianne est une femme de poigne, volontiers batailleuse si cela s'impose (ce qui, pour le spectateur, est un peu bizarre à voir, il faut l'admettre !). Parmi les acteurs secondaires qui gravitent autour du personnage incarné par Russell Crowe, citons notamment Max von Sydow, William Hurt, Kevin Durand, Scott Grimes, Alan Doyle, Mark Addy et Danny Huston; qui interprètent respectivement les rôles de sire Walter Loxley, William Marshal, Petit Jean, Will l'Écarlate, Allan A'Dayle, frère Tuck et Richard Cur de Lion.
Les méchants de l'histoire, eux, sont tout ce qu'il y a de plus caricatural. Entre Oscar Isaac (alias le prince Jean, plus fourbe et cupide que jamais), Mark Strong (alias Godefroy, l'homme de main infidèle du prince), Eileen Atkins (alias Aliénor d'Aquitaine, la mère du prince Jean, qui baisse les yeux devant son fils), et Matthew MacFayden (alias le shérif de Nottingham, absent pendant quasiment tout le film); les méchants sont ici extrêmement stéréotypés. À vrai dire, beaucoup trop pour être totalement crédibles... mais bon, passons.
Les plus susceptibles se vexeront peut-être aussi de l'image très négative qui est donnée des Français; qui, il faut le dire, n'ont pas vraiment le beau rôle dans cette superproduction; et apparaissent plutôt comme des faire-valoir (voir la scène de bataille finale, où les Français, pas courageux pour un sou, détalent comme des lapins devant l'ennemi...). En parlant de ça, on notera la présence au générique d'une actrice française, Léa Seydoux, qui prête ses traits à Isabelle d'Angoulême, la sensuelle compagne du prince Jean.
Niveau mise en scène, pas grand-chose à reprocher (hormis une curieuse et désagréable impression, par moments, de n'avoir aucun réel fil conducteur dans le montage; certains plans se succédant de manière plutôt expéditive, sans qu'on parvienne toujours à faire le rapprochement entre eux), c'est du Ridley Scott grand cru.
La signature du réalisateur britannique est aisément identifiable, que ce soit dans les scènes de bataille comme dans les diverses reconstitutions d'époque, superbes et absolument monumentales. Ridley Scott est un passionné du Moyen Âge et cela se ressent très fortement à l'écran, bien que son film ne soit pas totalement exempt de petites erreurs historiques et de quelques anachronismes. Non, à bien y réfléchir, le seul véritable regret que l'on pourrait formuler par rapport à la mise en scène, c'est qu'on aurait peut-être souhaité que Ridley Scott s'attarde moins sur l'action, très présente, et privilégie davantage les trop rares scènes intimistes qui parsèment son uvre. Bon, ce qui est fait est fait, on ne va pas remettre en cause le parti pris par le cinéaste, d'autant plus que ce dernier trouve une nouvelle fois l'occasion d'exprimer sa maîtrise dans l'art de filmer des scènes de bataille comme on les aime, épiques et violentes à souhait.
Mais toute cette déferlente d'action et de combats n'empêche cependant pas Robin des Bois de souffrir de plusieurs longueurs, qui auraient sans doute pu être évitées. Ainsi, on regrettera certaines scènes tout à fait languissantes, bavardes et sans intérêt; et d'autres qui, au contraire, auraient gagnées à être plus approfondies (les scènes où il est question de l'enfance de Robin, par exemple).
Bon, ceci n'est qu'un détail, certes regrettable, mais ce n'est pourtant pas ça qui constitue le gros point faible de ce film. Je vais y venir dans un instant. Avant cela, juste un petit mot pour souligner l'ensorcelante et sublime musique du compositeur Marc Streitenfeld, qui se confond parfaitement avec les images et apporte à ce long-métrage une ambiance littéralement envoûtante, teintée de noirceur et d'héroïsme.
Mais alors, quel est donc le gros point faible de ce Robin des Bois version 2010 ?... Qu'est-ce qui fait que ce Robin des Bois, sans être pour autant un navet, est loin d'être le chef-d'uvre annoncé ?... Qu'est-ce qui fait que la mayonnaise n'a pas complètement pris ?... Qu'est-ce qui fait que ce film, que j'attendais personnellement avec beaucoup de curiosité et d'impatience (assurément ma plus grosse attente cinématographique de l'année 2010), m'a laissée partir sur un goût amer d'inachevé et de déception (déception moyenne, mais déception quand même...) ?... Et bien, tout simplement, le responsable de cette déception n'est autre que... le scénario. Ironie de la situation: le scénario, après avoir longtemps posé problème aux scénaristes, pose maintenant problème au spectateur (du moins, pour ce qui me concerne); qui se perd dans les fils d'une intrigue particulièrement alambiquée, pour ne pas dire tirée par les cheveux.
Avoir voulu donner un nouveau souffle à l'histoire de Robin des Bois en imaginant de quelle manière il est devenu le redresseur de torts légendaire que tout le monde connaît, c'est très bien, mais qui dit relecture de la légende dit forcément remaniement total du récit initial. Qui dit remaniement du récit dit forcément arrivée de nouveaux personnages. Qui dit nouveaux personnages dit forcément nouvelles motivations. C'est là que le bât blesse: les nouveaux personnages sont nombreux, mais ils ne sont pas suffisamment exploités, et du coup, on a un peu de mal à comprendre leurs motivations, qu'est-ce qui les pousse à faire ceci ou cela (par exemple, pourquoi Godefroy, l'homme de main du prince Jean, s'allie soudainement avec les Français et se retourne ainsi contre son prince ??...). Un autre détail dans le scénario qui m'a également gênée, c'est la façon dont le roi Richard Cur de Lion est présenté: on le décrit comme un vulgaire pillard, et non plus comme le bon roi mythique, juste et généreux, que l'on croyait connaître jusqu'à présent. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Bref, pour faire court, le scénario s'enlise, s'embrouille, la confusion règne en permanence; et ce sont naturellement - et malheureusement - le film et le spectateur qui en pâtissent.

EN GUISE DE CONCLUSION:
Si la réalisation et l'interprétation restent honorables malgré quelques légères imperfections, le scénario de ce Robin des Bois, lui, mérite plutôt la mention à revoir. Quel dommage, on a le sentiment, au sortir de la projection, que Ridley Scott est passé à côté de ce qu'il aurait pu faire... distrayant, sans plus.

K.H.
