AU-DELÀ de CLINT EASTWOOD (2011)

Publié le 10 Février 2011

Un ouvrier américain, une journaliste française et un enfant londonien vont être confrontés à la Grande Faucheuse de différentes façons. Touchés par la mort, ils seront changés pour la vie.

AU-DELÀ est l'histoire de trois personnages hantés par la mort et les interrogations qu'elle soulève. George est un américain d'origine modeste, affecté d'un "don" de voyance qui pèse sur lui comme une malédiction. Marie, une journaliste française, a été confrontée à une expérience de mort imminente qui l'a durablement bouleversée. Et quand Marcus, un jeune garçon de Londres, perd l'être qui lui était le plus cher et le plus indispensable, il se met désespérement en quête de réponses à ses interrogations. George, Marie et Marcus sont guidés par le même besoin de savoir, la même quête. Leurs destinées vont finir par se croiser et se rejoindre. Ensemble, ils vont tenter de répondre au mystère de l'Au-Delà...

Avis:

Ceux qui connaissent déjà - au travers de mon ancien blog - l'admiration et le respect que j'ai, depuis toujours, envers Clint Eastwood et envers, surtout, son travail; trouveront peut-être, après lecture de cette chronique, que je suis trop généreuse ou que je manque vraiment de recul et, par conséquent, d'objectivité. Il est vrai, je ne dis pas le contraire, que le nom d'Eastwood influence forcément un peu mon avis par rapport à ce film, qui a été littéralement (et injustement, à mes yeux...) démoli par la critique. Mais dire que je me base uniquement sur un nom pour juger un film est, en revanche, totalement faux. L'admiration et le respect que je porte envers Eastwood ne m'empêchent pas de penser et de dire que, au cours de sa longue carrière, il n'a pas toujours fait que des chefs-d'œuvre... loin de là. Cependant, à la différence de nombreux autres acteurs/réalisateurs, Eastwood n'est pas quelqu'un qui triche avec son public, et chacun de ses films (même les moins réussis) témoigne toujours d'une vraie sincérité, d'une vraie authenticité; de la part d'un artiste qui n'a jamais cessé de casser son image et d'en jouer, sans crainte de filmer ses propres failles et ses propres défauts; apparaissant finalement, non pas comme un héros, mais comme un homme, dans tout ce qu'il a de meilleur... et de pire. De fait, c'est à nouveau cette sincérité qui transparaît au travers de l'intrigue d'AU-DELÀ (HEREAFTER, pour le titre original), dernier opus Eastwoodien, qui a rencontré un succès plutôt mitigé lors de sa sortie en salles aux États-Unis, en octobre dernier; et n'a guère été épargné par la critique française, laquelle l'a descendu en flèche au moment de sa sortie, voici trois semaines. Mais pourquoi tant de haine, ai-je envie de dire face à tout cet acharnement négatif ?... Certes, AU-DELÀ n'est pas, loin s'en faut, un film parfait. Il n'est certainement pas non plus le meilleur film de son célèbre auteur. Mais il n'est pas non plus, à mon humble avis, le navet tant décrié dans certaines critiques. Disons simplement qu'AU-DELÀ est un film un peu à part dans l'œuvre du grand Clint, un film singulier et atypique faisant figure d'OVNI dans l'œuvre déjà surprenante d'un artiste qui aime surprendre et se surprendre, n'hésitant pas pour cela à alterner les genres de film en film; preuve de la belle maturité qu'il a peu à peu acquise au fil des années. Disons simplement qu'AU-DELÀ, sans être un chef-d'œuvre, est un film qui regorge de bonnes et de... moins bonnes (je ne dirai pas mauvaises, car le mot est trop fort à mon sens, et ne convient pas vraiment) idées. Commençons d'abord, si vous le voulez bien (!), par faire le point sur les bonnes idées et les qualités (car oui, il y en a !...) d'AU-DELÀ. Tout d'abord, premier point fort, le scénario en lui-même (évidemment !); qui ne peut que séduire et captiver l'attention; dans la mesure où il aborde un sujet délicat, aussi audacieux qu'ambitieux, aussi courageux que périlleux. Un sujet fort (et tabou ?...), traité avec sobriété par un Eastwood qui se met encore à nu face à son public, livrant en fait ici ses propres angoisses et ses propres interrogations face à la mort et face au mystère de l'Au-Delà (si Au-Delà il y a, cela va de soi !...). En ce sens, il faut naturellement souligner le choix judicieux opéré par Eastwood, qui a le mérite de ne pas abuser des effets spéciaux ou d'autres effets de mise en scène, se contentant simplement de montrer l'Au-Delà tel qu'on se le représente habituellement, dans notre imaginaire... à savoir, un grand tunnel de lumière, d'où surgissent les silhouettes de nos chers disparus. Il est d'ailleurs intéressant, et particulièrement bouleversant, de constater, au travers de ce drame métaphysico-fantastique teinté de surnaturel, à quel point nos morts comptent dans nos existences de vivants; à quel point il est difficile de surmonter l'absence, à quel point aussi il est difficile (pour ne pas dire impossible) de remplacer l'irremplaçable, de remplacer l'être cher. AU-DELÀ illustre admirablement tout cela, de la plus sobre et de la plus poignante des manières, sans chercher à flirter avec le larmoyant facile (même si il s'y frotte parfois, involontairement...), par l'entremise d'un scénario qui a en outre le mérite de ne pas avoir de parti pris, exposant simplement des idées sans chercher à les présenter comme des vérités absolues... un scénario qui a le mérite de soulever des questions complexes sans apporter de réponses précises, laissant le spectateur libre de répondre lui-même, selon ses propres convictions et ses propres croyances. Deuxième point fort (dont on a longuement parlé - à juste titre - dans de nombreuses critiques), c'est bien sûr cette magnifique scène d'ouverture (incontestablement la plus belle scène de ce film, mais aussi l'un des plus beaux débuts de toute l'histoire du cinéma), impressionnante, saisissante, déchirante; qui restitue avec intensité la force dévastatrice, meurtrière et apocalyptique de cette terrifiante catastrophe naturelle que peut être un tsunami... cette scène - palpable - nous fait véritablement prendre conscience de ce qu'a dû affronter l'Asie du Sud Est, ce jour maudit du 26 décembre 2004 (autre mérite d'AU-DELÀ, c'est qu'il puise une partie de son inspiration dans plusieurs faits réels; donnant à l'intrigue une toute autre dimension et une toute autre puissance émotionnelle). On notera également la justesse et la joliesse de la réflexion, laquelle ne s'attarde pas uniquement sur les questions de mort et d'Au-Delà, mais s'interroge aussi subtilement sur les notions de hasard et de destin (voir la scène des attentats de Londres de 2005, où le jeune Marcus échappe, in extremis, à la mort; grâce, comme on l'apprendra plus tard dans le récit, à une intervention divine de son frère jumeau disparu, qui continue de veiller sur lui depuis l'Au-Delà... belle façon de s'interroger aussi, de manière métaphorique et symbolique, sur l'existence - réelle ou imaginaire - de ces êtres qu'on appelle anges gardiens...). Autre atout encore que j'ai oublié de mentionner, toujours à propos du scénario, c'est la façon dont ces trois personnages principaux, dont ces trois destins à la fois si semblables et si différents vont petit à petit s'emboîter comme les pièces d'un puzzle; commençant d'abord par se croiser pour finalement se rejoindre et ne former, en fin de compte, plus qu'une seule et même pièce d'un seul et même puzzle... un ressort classique et prévisible, certes, mais qui est traité avec son élégance et sa finesse coutumières par le seigneur Eastwood; lequel prend encore un évident plaisir à narrer les parcours extraordinaires de gens ordinaires, tout comme il prend un évident plaisir à filmer les villes de Londres, San Francisco (San Francisco qui est d'ailleurs, rappelons-le, la ville natale de mister Eastwood) et Paris (première fois qu'Eastwood tourne en France, autant dire que ce n'est pas rien !); et tout comme il prend aussi un évident plaisir à signer lui-même - une fois de plus - la musique, composée par ses soins, et ma foi fort belle à entendre et écouter, bien que peut-être légèrement monotone et trop omniprésente par moments (ça reste agréable à l'oreille, ceci dit !). Impossible enfin de ne pas parler du fabuleux casting, d'envergure internationale, réunissant étoiles montantes du cinéma actuel (Matt Damon, Cécile de France, Bryce Dallas Howard...), pointures de renom (Marthe Keller, Derek Jacobi dans son propre rôle...), visages familiers du petit écran français (Thierry Neuvic, Jean-Yves Berteloot, Stéphane Freiss...) et jeunes talents en devenir (les jumeaux Frankie & George McLaren...). Tous se montrent très investis dans leurs rôles, même si on pourra reprocher - par instants - un léger manque de naturel et de conviction dans le jeu de Matt Damon, Cécile de France, et de quelques acteurs secondaires (la faute peut-être à des personnages parfois trop stéréotypés et à une version française pas toujours top et naturelle, pour les acteurs étrangers...). En parlant du casting justement, il est amusant de noter la présence au générique de Steven Spielberg, qui intervient ici en tant que producteur exécutif, après avoir déjà produit MÉMOIRES DE NOS PÈRES et LETTRES D'IWO JIMA, du même Clint Eastwood. Maintenant, pour ce qui est des moins bonnes idées et des faiblesses dont souffre cet AU-DELÀ (qui est, comme je l'ai déjà dit auparavant, un film imparfait... imparfait ne signifiant pas forcément navet, à mon sens...), et bien on pourra regretter une certaine lenteur/longueur (volontaire, ceci dit) dans le déroulement de l'intrigue qui, il est vrai, tarde à se mettre en place et nous donne parfois l'impression étrange et désagréable que les scènes sont grossièrement reliées entre elles sans qu'il y ait de véritable fil conducteur. On regrettera quelques scènes bavardes et parfaitement inutiles. On regrettera le caractère grotesque et volontiers risible (je vous l'accorde !...) de quelques scènes qui, pourtant, étaient animées d'une bonne et intéressante idée de départ; de la part d'un Eastwood dont le seul tort aura peut-être été d'avoir voulu aborder trop de thèmes à la fois, en dénonçant notamment (et maladroitement, il faut bien l'admettre, même si c'est Eastwood, et même si l'idée était bonne; ce qui est d'autant plus regrettable et dommage) le charlatanisme exercé par certains médiums peu scrupuleux qui ne cherchent qu'à s'enrichir sur le dos de pauvres gens aveuglés par le chagrin et le besoin de savoir. On regrettera le larmoyant facile qui se dégage - involontairement - de certaines scènes (reconnaissons aussi qu'avec un tel propos, le piège du larmoyant facile est délicat à éviter; même en faisant preuve d'une grande sobriété). On regrettera cette vision parfois trop naïve de l'Au-Delà, et cette peinture assez caricaturale de la France. On regrettera enfin cet ultime et déroutant plan final, trop improbable pour être complètement vraisemblable, totalement bâclé dans la mesure où il survient brutalement comme un cheveu sur la soupe au moment précis où - enfin - les trois destins se rejoignent et où - enfin - l'histoire trouve son sens véritable; nous donnant la fâcheuse impression qu'Eastwood n'a pas vraiment su comment clore son film, qui s'achève du coup en queue de poisson. Drôle de paradoxe, ce plan final - aussi déroutant soit-il - possède néanmoins une certaine originalité et une certaine beauté... peut-être parce que, justement, il est totalement inattendu et se révèle de fait aussi destabilisant que surprenant. Preuve en tout cas qu'AU-DELÀ est décidément une œuvre à part dans la filmographie de l'ami Clint, sûrement pas un navet, mais assurément une œuvre à part; qu'il faut voir par soi-même, de ses propres yeux, afin de se faire sa propre opinion; tant le sujet qu'elle évoque touche ici à l'intime et au personnel. AU-DELÀ, si il nous démontre à nouveau que le cinéma est bien le plus universel et le plus intemporel des arts, nous démontre surtout que personne ne voit jamais le même film et que la beauté, comme la vérité, est dans l'œil de celui qui regarde. Comme le dit très justement cette citation de Clint Eastwood lui-même: "La vérité, comme l'art, est dans l'œil du spectateur...". Aussi, chacun se fera sa propre vérité sur cet AU-DELÀ qui, à n'en point douter, suscitera encore bon nombre de débats et de questions. Je vous ai donné mon avis. À vous, maintenant, de me donner le vôtre...



Rédigé par kleinhase

Publié dans #CINÉMA, #FILMS, #FILMS DES ANNÉES 2010, #¤ En salles ¤

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K
Une fois de plus C.Eastwood a ouvert un nouveau registre (pas évident) dans sa filmographie. Film apparemment boudé par le public français, qui a préféré courir voir "rien à déclarer" classé rigolo...quoique.. "Au delà" est un film qui malgré son tître n'apporte aucune réponse mais pose seulement un grand point d'interrogation. D'un rythme lent,d'une grande sobriété,et aussi d'une grande sensibilité, on est très loin des autres films du même auteur. Eastwood n'a rien voulu démontrer, prouver, et, surtout imposer quelques certitudes ou vérités. Le spectateur doit évidemment trouver lui-même sa réponse, comme Eastwood qui arrive doucement vers le crépuscule de sa vie se la pose certainement lui aussi...En réunissant 3 histoires qui ont pour point commun l'approche de la mort et surtout le "après" Eastwood a simplemnt posé la grande question qui souvent nous hante. <br /> La bizarrerie de ceux qui ont vu le film est la séduction occasionnée par les images extraordinaires du tsunami. Peut-être que la mort horrible vue de cette façon là fascine les esprits....<br /> Il est vrai que ces premières minutes sont un réussite technique incroyable, mais elles ne servent de support que pour une histoire dans l'histoire.<br /> Malgré des imperfections ,quelques longueurs ce film mérite d'être vu. Entièrement d'accord avec le commentaire
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D
Bien trop généreuse oui !<br /> J'ai trouvé le film vide, ennuyant et lent; une grande première pour un film de Clint Eastwood et pourtant je suis fan aussi. Jamais il ne parvient à rendre l'histoire voir ses personnages intéressant et il donne la sensation de forcer la rencontre des trois pour pouvoir les lier.
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